Présentation de la

Symphonie Fantastique


Berlioz, Mémoires. Chapritre 26. Flammarion
« Immédiatement après cette composition sur Faust, et toujours sous l'influence du poème de Goethe, j'écrivais ma Symphonie fantastique avec beaucoup de peine pour certaines parties, avec une facilité incroyable pour d'autres. Ainsi l'Adagio (Scènes aux champs), qui impressionne toujours si vivement le public et moi-même, me fatigua pendant plus de trois semaines ; je l'abondonnai et le repris deux ou trois fois. La Marche au supplice, au contraire fut écrite en une nuit. J'ai néanmoins beaucoup retouché ces deux morceaux et tous les autres du même ouvrage pendant plusieurs années. »

Berlioz, Programme de la symphonie.
Un jeune musicien d'une sensibilité maladive et d'une imagination ardente s'empoisonne avec de l'opium dans un accès de désespoir amoureux. La dose de narcotique, trop faible pour lui doner la mort, le plonge dans un lourd sommeil accompagné des plus étranges visions, pendant lequel ses sensations, ses sentiments, ses souvenirs se traduisent, dans son cerveau malade, en des pensées et en images musicales. La femme aimée, elle-même, est devenue pour lui une mélodie et comme une idée fixe qu'il retrouve et qu'il retrouve et qu'il entend partout.
 1re Partie - Rêverie. Passions.
Il se rappelle d'abord ce malaise de l'âme, ce «vague des passions», ces mélancolies, ces joies sans sujets qu'il éprouva, avant d'avoir vu celle qu'il aime ; puis l'amour volcanique qu'elle lui inspira subitement...
  2e Partie - Un bal.
Il retrouve l'aimée dans un bal, au milieu du tumulte d'une fête brillante.
  3e Partie - Scène aux champs.
Un soir d'été, à la campagne, il entend deux pâtres qui dialoguent un Ranz des vaches ; ce duo pastoral, le lieu de la scène, le léger bruissement des arbres... tout concourt à rendre à son coeur un calme inaccoutumé... Mais «elle» apparaît de nouveau, son coeur se serre, de douloureux pressentiments l'agitent... Si elle le trompait ! L'un des pâtres reprend sa naïve mélodie, l'autre ne répond plus. Le soleil se couche... bruit éloigné du tonnesse... Solitude... Silence.
  4e Partie - Marche au supplice.
Il rêve qu'il a tué celle qu'il aimait, qu'il est condamné à mort, conduit au supplice. Le cortège s'avance, aux sons d'une marche tantôt sombre et farouche, tantôt brillante, dans laquelle un bruit sourd de pas graves succède sans transition aux éclats les plus bruyants. A la fin l' «idée fixe» reparaît un instant, comme une dernière pensée d'amour interrompue par le coup fatal.
  5e Partie - Songe d'une nuit de Sabbat.
Il se voit au sabbat, au milieu d'une troupe affreuse d'ombres, de sorciers, de monstres... réunis pour ses funérailles... Bruits étranges... La «Mélodie aimée» reparaît encore, mais elle a perdu son caractère de noblesse... ce n'est plus qu'un air de danse ignoble... C'est «elle» qui revient au sabbat. Rugissements de joie, à son arrivée... Elle se mêle à l'orgie diabolique. Glas funèbre, parodie burlesque du Dies irae. Ronde du sabbat. La ronde du sabbat et le Dies irae ensemble.

Un extrait du manuscrit de Berlioz décrivant le programme de la Symphonie Fantastique (manuscrit- cliquez pour agrandir)
Berlioz, autographe du programme de la Symphonie

Robert Schumann, Berlioz. Article très développé de 1835 in «Sur les musiciens». Stock 1979
« Avec quelle hardiesse tout cela est enlevé ! On ne pourrait absolument rien ajouter ou supprimer sans ôter à l'idée sa tranchante énergie, sans nuire à sa force. [...] Il semble que la musique veuille revenir à ses origines, à cette époque où la loi de la rigueur de la mesure ne l'oppressait pas encore, et s'élever dans son indépendance jusqu'au langage libre de tous liens, à une plus haute et poétique ponctuation  (comme dans les choeurs grecs, le style de la Bible, la prose de Jean-Paul). [...] Puisse l'époque où l'on considérera de tels passages comme des beautés être loin de nous ! [...] Essayez seulement de changer ou de corriger quoi que ce soit (ce serait un jeu d'enfant pour le premier harmoniste un peu exercé), et voyez ensuite comme tout s'en trouvera affaibli ! »

Arthur Coquard, Berlioz. H. Laurens, sans date [vers 1900].
« On demeure confondu quand on songe que la Symphonie fantastique fut écrite à l'heure ou Berlioz était encore sur les bancs de l'école, candidat malheureux au Prix de Rome, et que les maîtres dont il suivait les leçons et dont il entendait les ouvrages, s'appelaient Catel, Berton, Le Sueur, Boeldieu, Cherubini même dont la palette instrumentale est si terne. Cette instrumentation berliozienne est si personnelle, elle rompt si nettement avec tout le passé, qu'un musicien aussi consommé que Mendelssohn a pu s'y tromper et qu'à la lecture de la grande partition de la Fantastique il déclare que cela doit mal sonner. Rendons à Schumann cette justice qu'il y vit plus clair et salua en Berlioz un maître génial. »

Leonhardt Bernstein, «Berlioz Takes A Trip», extrait de la plaquette du disque Sony. 5 mars 1968.
« Les sons inquiétants que vous entendez proviennent de la première symphonie psychédélique de l'Histoire ; la toute première description musicale d'un trip, écrite il y a bien longtemps, en 1830 (c'est à dire quelque chose comme 130 ans avant les Beatles). Berlioz l'a baptisé «Symphonie fantastique», et pour être fantastique, elle l'est, à tous les sens du terme, y compris celui de psychédélique. Ce n'est pas moi qui l'invente ; c'est un fait, car c'est ce que nous dit Berlioz dans son programme. [...] Et quelle musique ! Cinq mouvements d'une invention jamais démentie, proprement incroyable de la part d'un garçon de vingt-six ans, âge auquel Berlioz a composé ce morceau (seulement trois ans après la mort de Beethoven). Et quel est le lien entre ces cinq mouvements fantastiques ? Nulles autre que la demoiselle ayant provoqué cet accès de désespoir amoureux. Elle hante cette symphonie : où que la musique aille, elle surgit. Obsédante,  importune, s'immisçant et revenant encore et toujours sous une multiplicité de formes et d'aspects. Berlioz l'a désignée comme «l'idée fixe» ayant pris possession de l'esprit de l'esprit du musicien. »

Michael Steinberg, texte de la plaquette de l'enregistrement de Tilson Thomas, RCA 1997.
« Sans vouloir manquer de respect à Mahler ou Chostakovitch, il faut reconnaître que la Symphonie fantastique est la première symphonie la plus remarquable qui ait jamais été composée. A bien des égards, elle puise de profondes racines chez Beethoven, mais ses sonorités, et ses développements ne ressemblent à rien de ce qu'on avait entendu jusque-là. L'orchestre de Berlioz était aussi nouveau à son époque que le violon de Paganini et le piano de Liszt. Les intention expressives, du compositeur et sa détermination de ne reculer devant rien pour les réaliser étaient sans précédent.
Le 11 septembre 1827, Berlioz avait assisté à une représentation de Hamlet par une troupe londonienne distinguée. Il tomba immédiatement et violemment amoureux de l'Ophélie, Harriet Smithson. Il lui écrivit à plusieurs reprises, mais ils ne se rencontrèrent pas. A la suite de potins au sujet d'une intrigue amoureuse entre elle et son directeur, il se résolut à garder ses distances, pour le moment, et à exprimer sa passion dans une symphonie. [...] Le lendemain de la seconde audition de la Fantastique, Berlioz et Smithson se rencontraient enfin. [...] Le 3 octobre 1833, ils se mariaient. Ce fut un désastre. Ils se séparèrent pendant l'été de 1844 et ils auraient dû le faire bien plus tôt. La beauté de Smithson s'était fanée et un accident avait mis fin à sa carrière. Elle mourut en 1854, alcoolique et paralysée. Berlioz, qui s'était engagé dans une liaison malheureuse avec la cantatrice Marie Recio, subvint aux besoin de Smithson jusqu'à sa mort. De cet échec, il tira deux autres monuments à leur passion : la symphonie de Roméo et Juliette et une mélodie déchirante, la Mort d'Ophélie. »

Les mouvements
I - Rêverie-Passions
II - Un bal 
III - Scène aux champs
IV - Marche au supplice 
V - Songe d'une nuit de Sabbat 


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