par Vincent Urbain
Véritable « Aurore Magique » avant même celle de la Suite Delphique d'André Jolivet, le Prélude à l'Après-midi d'un Faune est le plus beau nocturne solaire, le plus riche, le plus puissant, le plus universel qui soit.
S'oublier dans la partition est un bonheur délectable. Claude Debussy est aux prises avec lui-même. Cloîtré dans un profond silence polaire, il écoute son oreille interne lui dicter note après note ; et vous, vous captez par-dessus ses épaules quelque chose du rayonnement de la géniale inspiration qui le traverse alors.
Heure après heure, vous assistez à la naissance du Monde et peut-être aussi en écoutant bien, y participez-vous...
Les musiciens indiens composent des ragas particuliers à chaque heure. Debussy a composé une musique qui apporte à chacune de ces heures un éclairage, une atmosphère qui lui sont propres.
Défions ensemble le Faune ! Lâchez prise un jour, une nuit, pour écouter cette oeuvre au travers de versions d'exception comme un vaste raga de tous les instants.
En cette heure d'émergence énergétique, il est encore possible de fixer le centre du soleil. D'un point de condensation extrême jaillit, par un unique éclat fusionnel, toute la transparence fulgurante de la musique.
La flûte, d'un seul et long souffle, a impulsé le thème selon une trajectoire aussi simple et directe, conquérante, aussi évidente, aussi parfaite que l'inflexion d'un arc-en-ciel.
Douce caresse des timbres dans l'aube. Ferme et généreuse pulsation des harpes. Couleurs déjà chaudes d'une mer Egée par un lumineux matin de printemps gonflé de promesses.
Combien d'efforts, de réflexions, Toscanini et ses musiciens ont dû déployer ; combien dut être longue leur fréquentation de ce chef-d'oeuvre remis sans cesse sur le métier pour aboutir ici à ce miracle de naturel, à la quintessence rêvée !
Je remercie le Créateur de m'offrir le privilège de savourer dans sa pureté cristalline un tel moment. Quelle beauté ! Mais quelle beauté !
La beauté est pareille à cette flèche en expansion décochée d'un lieu mystérieux et qui vous transperce instantanément les sens.
Mon palais reste tapissé des longs arômes acidulés d'un des tous meilleurs cafés du monde, un Leroy de Nouvelle Calédonie amoureusement, langoureusement torréfié à l'ancienne ; un café si rare et si cher que je ne le réserve que pour les grandes rencontres. Précisément, voici ce qu'il fallait pour honorer l'art de Pierre Monteux et prendre toute la mesure de l'héritage de son classicisme hautement aristocratique au sens le plus élevé du terme. Nous sommes au firmament.
Luxueuse musique qui va et vient entre l'éphémère et l'intemporel, le plaisir fugace et le bonheur persistant d'un goût sublime que l'on retrouve avec toujours autant d'étonnement extatique.
Luxe épuré, calme et volupté en effet : le chant se déploie avec une élégance d'un extrême raffinement ; nul maniérisme, nul narcissisme, nulle ostentation mais une ample respiration qui nous berce et nous transporte au coeur d'une Grèce antique rêvée.
Le naturel des paysages grecs, la simplicité de ses habitants, leur douceur de vivre, le goût sauvage de ses fruits, la force de ses vents dans lesquels jouent voiles et voilages s'imposent ici à notre esprit.
Debussy et Monteux relient, dans un élan magnifique, la tradition de l'art français faite d'équilibre dynamique, de grâce sensuelle et de subtiles nuances avec ses racines grecques anciennes.
Tout est proportion savamment étudiée, la vie habite la pierre, le bronze et l'or des sculptures. Une fois au moins alors que la chaleur gagne la lumière matinale et que nous ne sommes pas encore assaillis par le trivial de notre vie quotidienne, il faut avoir entendu l'incomparable qualité calligraphique et sonore des encorbellements dessinés par flûtes, hautbois et clarinettes.
L'éloquence s'est faite confidence.
C'est l'heure ! La rumeur enfle. Dehors, c'est «Amériques» : le tumulte de la vie urbaine prend son essor pour la journée.
Au-dedans, Münch ! Münch apporte une dynamique neuve à une partition qui marqua son temps et l'histoire de la musique par une audacieuse liberté dans les formes.
C'est Münch en toute liberté aussi et faisant fi des formes qui déchaîne un univers de forces, univers secoué par les passions oniriques du Faune, univers tourmenté, soulevé par des vagues de désir et de tendresse. Ne seraient-ce pas les lames de fond de «La Mer » qui s'esquissent déjà ici ?
Et la musique tournoie comme l'image sur un vase grec, d'un Faune aux fesses replètes bondissant vers de graciles Nymphes inquiètes un peu mais surtout joueuses et moqueuses. Mais comment ont-elles pu résister aux tentations de la flûte enchanteresse du Faune ? Comment ont-elles pu échapper aux filets tissés par l'entrelacs des arabesques ? Mystère...
Au-dehors, le soleil. Eblouissant !
9 h, l'heure où tout se joue. Ainsi que plaisamment le disent nos voisins allemands, c'est le matin que l'on gagne de l'argent.
6, 9, 15, 21 sont les heures que le clocher de mon village d'Alsace honore par de pieuses et particulières sonneries. 6 et 21 sont pour l'humble prière, 9 et 15 expriment la puissance du travail qui partout doit battre son plein.
Paul Paray déchaîne les forces cosmiques tapies dans son orchestre. L'orchestre de Détroit : une rutilante belle américaine des années 50 comme on n'en fait plus. Puissance, oui ! Opulence, certainement. Quadrichromie, oui, oui ! L'on peut employer tous les superlatifs pour cette superlative vision.
Mais plus encore, Paray met en valeur la violence contenue dans ces sociétés antiques qu'une vision trop idyllique occulte parfois. Paray renoue avec le désir primal de Mallarmé de faire de son poème un intermède héroïque théâtral, un drame mythologique érotique.
Et toujours ce fantastique soleil qui nous illumine crûment.
Foin de stakhanovisme mélomane ! Pause ! Seulement le temps de faire le point, regarder en arrière, scruter l'horizon, embrasser les côtés. Mais une pause café extraordinaire avec un Blue Mountain de Jamaïque aux arômes envoûtants qui, je vous l'assure, vous projettera dans un univers de la plus exquise des qualités, précieux, d'une admirable ordonnance harmonique.
Nous baignons dans l'une des sources qui font le charme du Prélude à l'Après-midi d'un Faune : un nostalgique hommage à un style de vie français mythique. Debussy, Claude de France...
Debussy, Ravel ont maintes fois célébré leurs prestigieux prédécesseurs : Couperin, Rameau... Ici, point de pavane, gigue, tombeau ou « à la manière de... ». Outre la mélancolie adolescente d'un Faune malheureux dans son entreprise de séduction et qui se réfugie dans de solitaires rêveries, il y a comme un regard rétrospectif vers un lointain monde artistique généreux dans ses intentions, juste dans ses conceptions, d'une noblesse rayonnante dans les proportions jusque dans les plus infimes détails.
Rosenthal et son orchestre, par leur interprétation ciselée et sensible, en sont les héritiers directs, les derniers témoins de la maîtrise d'un grand art classique. Une leçon de style qui vous marque à jamais tout comme l'unique et racé Blue Mountain dont nous savourons une dernière gorgée.
L'extase ! Vraiment !
Pour finir la matinée, il est utile d'avoir des certitudes. Invoquons donc Boulez ! C'est l'heure ! Avec lui aucun problème : tout sera clair, transparent et lumineux !
Nous connaissons la musique : ça manquera peut-être de sensualité et de couleurs mais au moins aurons-nous une lecture aux rayons X «objective» et nous sentirons-nous intelligents... C'est important de se sentir intelligent pour finir la matinée.
Mais pourquoi faire de Boulez un monstre sacré réfrigérant ? Comme s'il n'avait qu'une grosse tête calculatrice et ni sensibilité exacerbée, ni humanité !
Nombre de ses enregistrements prouve le contraire à commencer par cette somptueuse version plus souple, plus détendue, plus déliée, plus rapide aussi et plus entraînante que sa célébrissime antérieure avec le Philharmonia.
La prise de son sans être aérienne, est plus aérée. Un son charnu toujours, mais dégraissé.
Pas de superflu, rien que l'essentiel ; « l'essence cinquième élément supérieur, latente en toutes choses », c'est ainsi que Kant définissait la quintessence.
Le chant, toujours retenu, est doux et expressif avec une pointe de langueur ainsi que le désirait Debussy dans sa partition. La flûte est attendrissante de fragilité et de simplicité. Les cordes constituent une vibrante assise aux envolées des vents. Le génial étagement des timbres entre flûtes, hautbois, clarinettes et cors est d'une formidable force émotionnelle : Boulez renoue avec le fil de la tradition de ses illustres aînés et nous ramène droit aux sources de l'inspiration de Debussy. Ecoutez donc chanter les notes à peine posées sur le papier et encore au bout de son crayon...
J'ignore si nous sommes maintenant plus intelligents mais il est sûr que le coeur palpite drôlement.
Zénith !
Le grand marcheur de corde Philippe Petit disait : « si je devais exécuter une marche et une seule pour me présenter au paradis des danseurs de corde, je choisirais une entrée sans balancier, naturelle, les bras se balançant faiblement le long du corps au rythme du pas : j'avancerais droit sans penser un seul instant que je me trouve sur un fil, tenez, comme ce passant qui s'éloigne. »
Cet idéal, Guido Cantelli l'a atteint. Son interprétation suit d'un trait admirable de maîtrise et dans un même souffle la trajectoire de Toscanini.
Par delà la technique, par delà les intentions du poète, du compositeur, des musiciens, l'art de Cantelli est sans artifice.
Pierre Louys comparait l'oeuvre au « frémissement sensuel d'un feuillage sous la brise». En vérité, Cantelli incarne ce frémissement, il est le feuillage, il est la brise. Il ne dirige pas, il ne joue pas, ses musiciens et lui sont la musique. Ils sont dans le même état de détachement spirituel et de liberté créatrice que le fut Debussy.
Ce Prélude à l'Après-midi nous tombe dessus à la verticale et nous touche comme un don du soleil en personne.
Songe dans la chaleur méditerranéenne de cet après-midi.
C'est bien parce que le Prélude à l'Après-midi d'un Faune n'est pas une oeuvre descriptive qu'elle est si riche et se dérobe à toute tentative d'analyse.
Vouloir tout appréhender en une fois et en une seule interprétation serait pure folie. Il faut choisir ; à moins de prendre le parti de jouer le classicisme dans toute sa splendeur, prendre une ligne, s'y tenir et effleurer avec tact les différents aspects par lesquels l'oeuvre pourrait être appréhendée. La seule voie possible pour l'interprète est de se garder de produire des effets sur nous, mélomanes, de rechercher plutôt l'effet que le poème de Mallarmé a éveillé en Debussy : retrouver les songes de sa pensée suscités par ceux que le poète a prêtés au Faune ! Ces rêves inassouvis sont tapis au tréfonds de la flûte de l'infortuné satyre.
Ici, côté Faune, pas de bacchanale ; côté Nymphes, point de cache-cache ambivalent et espiègle. C'est flûte contre harpe (à défaut de lyre). Le souffle contre la corde pincée, la primitive explosion de la vitalité sexuelle contre l'austère éducation qu'exigent les cordes (pardon par avance auprès des flûtistes qui comprendront que nous sommes dans le monde antique du symbole qui ne correspond pas à celui des réalités professionnelles actuelles).
Insaisissable comme un courant d'air est l'esprit du Faune qui s'évade par la flûte en forme d'arabesques vaporeuses.
Insaisissables comme l'eau courante au creux de la main sont les facétieuses Néréides, Naïades et Océanides.
Odilon
Redon, Femme à l'aigrette, 1898.
En une « torsion de sirène » qu'a su capter Odilon Redon dans sa litho « La femme à l'aigrette », par surprise, elles apparaissent ; attendues, elles disparaissent.
Inquiétants, mystérieux, volatiles sont les profonds fantasmes du poète car ses songes sont au-delà des songes.
Fluide et secrète est l'expression de Debussy : mouvements, vents, nuages, esquisses, estampes, aquarelles, jardins sous la pluie, ciels irisés.
Claudio Abbado brosse un ciel musical aux couleurs de la mer enflammé par un météore : le Prélude à l'Après-midi d'un Faune de Claude Debussy.
Arrêt sur image.
La seule contemplation de la partition est un enchantement. L'ondoiement d'une suprême élégance des notes dévolues aux flûtes constitue une frise captivante. Son glissement vers les portées des hautbois, cors anglais et clarinettes - avec toujours ces splendides liaisons en forme d'arcs-nervures - montre combien doivent être délicates les articulations entre ces instruments.
Ernest Ansermet accomplit ce prodige de mise en place : enlevée et bien balancée, la musique respire naturellement.
Sa science orchestrale ravive en moi le souvenir d'un extraordinaire papier peint contemporain de cette musique, dessiné pour Le Mardelé par Hector Guimard : une hampe de laquelle naissent et se développent en encorbellement des volutes de volubilis. Faute de le voir, laissez vagabonder votre imagination ; il suffit de suivre les étrésillons tracés par les harpes, l'étagement des phrases jouées par les cordes qui constituent autant de particules graphiques et sonores desquelles surgissent des ondes vibratoires verticales et transversales.
Une musique ondulatoire dont les sortilèges et la perfection ne pouvaient laisser insensible ce chef mathématicien.
Promenade digestive.
L'ample ligne courbe de Leonard Bernstein est continue, sans rupture aucune. Elle est Art Nouveau. Elle est fixation sonore des danses serpentines baignées de lumières colorées de Loïe Fuller, étoile qui enchantait les contemporains de Debussy par ses jeux de voiles d'une capricieuse élégance.
Loïe
Fuller par Toulouse Lautrec, 1893 - et T. Théodor Heine, vers 1900.
« La ligne est force », professait avec justesse Henry van de Velde. Plus encore, la ligne de Bernstein génère un champs de forces qui culminent en forme de vaste coupole lumineuse, lieu de magie flottante occupé par les vents.
Du parterre des cordes fusent de longues lignes sinueuses semblables au pupitre mobile créé par le grand ébéniste Alexandre Charpentier. Soutenues par les harpes, elles allègent les masses instrumentales de façon rythmée et harmonieuse. Je pense aux vases en pâte de verre d'Antonin Daum décorés d'arums élancés ; aux carafes de verre strié et poli d'Emile Gallé qui provoquent l'irrésistible sensation d'être de fragiles étamines qui se plissent sous la brise ; aux très fines colonnades du hall de la maison de Victor Horta à Bruxelles qui forment - fabuleuse apothéose - une corolle de lumière digne d'un feu d'artifice diurne.
Visite à Giverny.
On dirait que Tilson-Thomas fait durer son Après-midi d'un Faune pour mieux nous faire sentir l'éphémère des choses : jouer les prolongations n'empêchera pas l'inéluctable, les cycles de la vie, l'écoulement du temps, le temps de rêver, le temps d'aimer, le temps de disparaître. La mélodie du Faune retourne d'où elle est venue : d'un songe à nouveau rêvé.
Mais tout perdure sous une autre forme.Comment dissocier le charme mélancolique de la flûte de Pan, secrète confidente des sentiments du Faune, des épineux jeux de l'amour des nymphes polissonnes ? Le Faune n'a su conquérir les belles sémillantes, cependant leurs évocations respectives se fondent ; l'une est dans l'autre et réciproquement comme pour rester fidèle à l'équilibre tacite qui fonde le monde.
Tilson-Thomas fond les couleurs en lumière. Ses tons diaphanes, ses lignes ont le côté contourné, rond, souple, bébé, duveteux, dentelé d'une Cuisse de Bergère Emue ; tel est le nom donné à une variété de rose par un jardinier poète français il y a longtemps déjà. Nul doute que cette lolita est celle que la déesse Chloris a voulu ressusciter en créant pour elle la rose. On raconte qu'Aphrodite, déesse de l'amour, lui a donné la beauté, Dionysos un parfum capiteux, les trois Grâces charme, éclat et joie. Aussitôt Zéphyr souffla pour chasser les nuages et permettre à Apollon de darder ses rayons d'or qui firent éclore cette nouvelle fleur. Voici apolliniens et dionysiens réconciliés !
Monsieur Désiré Emile Inghelbrecht, vous êtes ma bonne madeleine de Proust.
Souvenirs de votre temps :
Debussy au bord de la mer avec son trikini (costard trois pièces et noeud pap), coiffé d'un large chapeau et s'abritant sous une ombrelle festonnée.
Debussy chez Ernest Chausson entouré d'amateurs éclairés dont de jolies jeunes filles attentives.
Le fabuleux regard oblique de Debussy capté par Pierre Louys sur une photographie craquelée comme une vieille toile.
Souvenirs de mon temps :
Petit garçon en culottes courtes convié à prendre le thé chez de nobles et charmantes vieilles dames pleines d'esprit et qui sentaient subtilement bon. Je ne comprenais rien à leur traits spirituels mais j'ai souvenance de l'idéal mariage de leurs parfums avec leur Earl Grey ou leur China.
Comme Debussy, elles aimaient les choses rares et précieuses.
J'étais sensible à leur entrain, à leur goût , à leur exquisité dans leur façon d'agencer des objets de provenances si diverses : tasses dans la plus fine porcelaine de Haviland, théières de Sèvres, pots à chocolat de porcelaine d'un blanc immaculé, flacons Lalique, lampes bleu-Deck, plateaux en ébène de Macassore avec incrustations de cristal satiné, pierres de sucre candi débordant de sucriers à thé en argent et émail d'Ercuis, couverts rococo, véritables merveilles d'orfèvrerie aux lignes ondulantes et aux mouvements organiques exactement comme la plainte du Faune. Sur les sofas et aux fenêtres, des lampas brodés, rouges pourpre, de fines rayures de satin coordonnées avec des velours doupionnés, de fascinantes indiennes, des perses vermeil imprimées à la planche.
Je respirais gaiement et m'enivrais de roses rustiques en vase disposé sur un napperon en dentelles. Survivance olfactive, réminiscence visuelle de ce qui aurait pu être un âge d'or.
Le temps où l'on laissait fondre en bouche de succulents friands au beurre d'Isigny empreints des douceurs d'un odorant Darjeeling, des tartes aux pommes mordorées dont la sainte alliance du sucré et de l'acidulé relevait de la magie pure.
Le temps où les grands-mères savaient réussir la pâtisserie la plus délicate qui soit : un saint-honoré dans toute sa simplicité..
La clarté sera bientôt entre chien et loup. Belle heure pour apprécier dans toute sa richesse le travail au fusain et à la pointe sèche de Jean Martinon conduisant l'Orchestre Lamoureux. C'était du temps des vieilles cires.
Contrairement aux portraits du peintre Daniele Ranzoni pour qui « dans la nature et dans l'art, la ligne n'existe pas ; seuls existent les effets de la lumière », Debussy peint son Faune avec des jeux de lignes et de lumières. La porte au rêve éveillé est ouverte.
Daniele Ranzoni, Portrait de jeune fille (1886)
Par delà les effets uniquement décoratifs, le chef monte avec vigueur une trame sur laquelle notre imagination peut tisser nos propres fantaisies. De cette partition qui palpite comme un coeur tendre déçu, toute une gamme possible de sentiments se fait jour.
« Le Faune peut se lire comme une figure symbolique de l'artiste - Mallarmé - : être fou de sensualité, enlaidi par l'excès même de sa part animale ; le Faune est aussi celui qui sait l'art d'improviser sur la flûte (...) Le Faune antique n'a pu saisir la nymphe Syrinx, sa convoitise : pour lui échapper celle-ci se transforma en roseau ; le Faune s'en emparant, en tira une flûte, origine mythique de l'instrument, habile à moduler des chants mélancoliques et doux. L'épisode propose ainsi une parabole de solitude et de sensualité sublimées par l'art.» (Jean-Michel Nectoux dans son «Mallarmé»)
Le Prélude à l'Après-midi d'un Faune dit en musique les confidences dont Mallarmé émaille par ailleurs sa poésie. Ainsi :
Cependant ce n'est pas tout. Le mystère de l'ambiguïté et le trouble demeurent dans le gris de cette heure : les lignes de la flûte du Faune, les harmonies orchestrales, le choix même des instruments ont une élégance propre à la plasticité féminine, comme si les Nymphes plutôt faisaient oeuvre de séduction au travers du chant du Faune.
Syrinx et le Faune mêlent leurs voix. On ne sait plus qui est qui et quoi est quoi.
Daniele
Ranzoni, Vue du Lac Majeur
Heure charnière et de changement de rythme. Le bon moment pour prendre un souffle nouveau. Il faut de l'air pur, tonique ! Une eau vivifiante où se ressourcer. Des sons mélodieux, chaleureux. Pas de musique légère surtout ! Ce serait déplacé ou pour le moins prématuré. Plutôt quelque chose d'intemporel, qui touche au plus profond et relègue progressivement au vestiaire soucis et contrariétés de la journée. Quelque chose qui met en condition pour méditer un peu plus tard. Du Bach par exemple, c'est la base ; du violoncelle, du hautbois ou...le Prélude pour l'Après-midi d'un Faune, c'est tout naturel.
André Previn nous gratifie de ce cadeau. A défaut de haute spiritualité, d'hédonisme élitiste, de raison gourmande épicurienne, Previn, confondant de naturel, propose une version en écologie avec ce qui nous entoure : un équilibre rarement atteint, idéal. Ses vents, divines éoliennes, mettent notre respiration au diapason. Détente totale... Des harpes éclatant de lumière solaire émane une chaude atmosphère. Ses inflexions ont la sinuosité aquatique des méandres de l'eau vive, le modelé des maisons de terre. Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir. Les parfums de la nuit tombante vont par les rues et les chemins.
« Ah ! C'qu'on est bien
Quand on est dans son bain !
On fait de grosses bulles,
On joue au sous-marin. »
On peut maintenant aussi y écouter le Prélude à l'Après-midi d'un Faune pour synthé selon Isao Tomita. Pour sûr, l'on n'est pas dépaysé !
Vos pétillantes ablutions créeront en surimpression une musique stochastique requinquante (ou « roborative », histoire de faire bien).
Pour la circonstance et afin de renforcer cette exotique ambiance, je propose, si cela vous est loisible, de prendre un ofouro, vous savez, ces bains ultra chauds japonais.
Zut ! Mon portable qui m'appelle. C'est bien le moment ! Tant pis, ça attendra.
Derrière l'apparente et réelle fantaisie débridée de l'arrangeur, vous serez sensible à bien des choses justes chargées d'une poésie spatiale juvénile. Par un savant cocktail de vibrions, de pulsations, d'étranges sonorités riantes, piaillantes, aériennes, cosmiques, caverneuses, bambouesques, bosselées de hauteur et d'intensité variables, le recompositeur vous fait baigner en apesanteur entre de vaporeuses nuées. Ces nuages si essentiels à l'âme asiatique qui enlacent les paysages et vous invitent à un voyage métamorphique au grès des souffles. « Les nuages qui passent... là-bas... les merveilleux nuages.»
P.S. Vérification faite, ce n'était pas mon portable, c'était dans la musique.
Invitation au voyage.
Une heure que j'aime pour les grands départs : ce n'est pas encore le jour prochain mais l'essentiel d'aujourd'hui est déjà passé. C'est l'heure du saut vers ce jour qui va venir, pour un lointain voyage vers un autre côté mythique, d'autres horizons rêvés qui se dévoileront demain à l'aube.
Les séductions de l'Orient parent cette oeuvre. Un Orient méditerranéen revu par la force de l'intelligence et du culte de la beauté propres à Claude Debussy.
Questionnement empreint de mystère au moment du départ, puissance, grandeur des machines qui vous emportent : c'est le choix d'Alexander Rabhari avec pour corollaire une lourdeur un peu grasse et sucrée, un peu loukoum, qui sied mal à l'oeuvre.
L'atmosphère pesante au début, des cors au fond des bois fait bientôt place à une dynamique mécanique impressionnante. Le formidable Orient-Express tout enluminé de bronzes et de marqueteries fend l'espace avec passion.
Dans l'ivresse, on se prend parfois à oublier Debussy. On pense au lyrisme de Grieg, à l'emphase des grands orchestres romantiques et même quelques notes répétées à la clarinette m'ont tiré le temps d'une mesure, vers Messiaen. Beaucoup d'intentions pour une vision en somme peu debussyste mais qui ont le mérite de nous faire explorer quelques chemins de traverse inattendus. Pourquoi pas ? A la condition d'avoir son billet retour.
Passons au salon de musique, SVP ! Le moment est venu de se faire un grand plaisir en décachetant et goûtant une bonne vieille cire. D'abord l'écrin. C'est très important car cette heure est une heure cérémonielle dont il faut respecter les rites. Les murs sont de panneaux lambrissés. Nous tiennent compagnie et nous scrutent dans un silence monacal, des milliers de disques et livres splendides disposés sur de monumentales étagères en acajou, kaori, cèdre et noyer. Cette heure est une heure de braise où l'on veille. Partout - scintillants lustres de bronze, vibrantes appliques en porcelaine aux qualités si particulières de transparence et de reflet - des foyers de clarté illuminent nos espaces intérieurs. Cette heure est une heure solennelle. Pour la circonstance, nous nous sommes vêtus avec soin et élégance ; nos verres aux lignes pures sont en cristal de Baccarat. Nous attendons l'heure de la découverte avec dévorante curiosité mais aussi sincère humilité. C'est que 1929 est l'un des plus sensationnels millésimes du siècle passé. Dès les premières mesures, c'est le choc comme en face d'une femme plus très jeune mais qui s'impose par une prestance hors du commun. Et l'on se dit « cette femme étant jeune, dut être incomparablement belle », comme si seul le visage de la jeunesse était beau. J'aime les vieilles cires burinées par de profonds sillons, expression de l'amour que je leur porte. Rien de plus naturel : c'est l'Orchestre Lamoureux !
Assurément, la version Wolff est de très bonne garde.
Jolie robe ambrée aux nuances vieil or. Léger voile dû à l'ancienneté de l'enregistrement mais il est aisé de retrouver la saveur résiduelle des raisins de Corinthe macérés avec des connotations caractéristiques d'olives, de lavande et de fleurs blanches.
Le nez est très floral, alliant puissance et finesse. Les arômes d'une extrême complexité s'expriment rapidement. L'ensemble, très charmeur, est velouté et charpenté, rond et nerveux. Les tannins sont fermes et soyeux.
Les vents, en particulier, sont d'une grande finesse aromatique, tout en structure, légèrement vanillés (ce sont les bois). Les harpes et cymbales antiques sont de fort belle tenue avec une plénitude persistante et des parfums soutenus où s'entremêlent des nuances de miel et d'acacia. Violons et altos ont cette petite touche d'acidité qui confère fraîcheur et nervosité. Violoncelles et contrebasses conservent leurs sonorités de bonne longueur, amples, fondues, grasses et suaves, avec des notes d'amandes et de fruits noirs finement poivrés.
Belle allure en somme !
Ce n'est pas non plus le moindre paradoxe, dans cette version qui devrait nous paraître surannée en raison de l'ancienneté de l'enregistrement et des goûts de l'époque, de déceler une architecture musicale étonnamment contemporaine en ce sens qu'elle privilégie la lumière et la matière plutôt que la mise en valeur de la rigueur de la construction.
De la chaleur du jour, j'ai pris et nourri une braise qui s'est soudain avivée sous les fragrances d'une pivoine. Il a suffi d'un souffle divin mais d'un dieu coquin à la grecque en somme, un dieu homme ; un tout petit, petit froufrou de la pointe d'une aile, d'un ondoiement de voiles à la fenêtre.
D'un doigt qui ne se veut ni trop léger, ni trop pressant, j'épouse le galbe poli de ta nuque, du creux de tes épaules, de tes bras, de tes seins.
L'indicible n'est-il pas dans le bonheur extrême ? Non ! Pour le dire, il y a des notes et des timbres, des harmonies, des flûtes qui savent dessiner, des clarinettes qui savent peindre, des hautbois qui apportent du velouté, des harpes qui font resurgir du fond des temps la lyre d'Orphée telle qu'elle dût sonner. Ensemble, ils disent l'amour.
Ce soir, nous le prendrons enfin ce temps. Plus heureux que le Faune, entre terre et rêves, nous nous aimerons d'une délectable tendresse, sur un tempérament égal.
L'heure où tout bascule. L'heure alchimique où tout se transforme ; plus rien n'est noir, plus rien n'est blanc, plus rien n'est clair mais aussi s'il y a de l'ombre, c'est qu'il y a de la lumière... Où sont le bien et le mal ?
Face à vous, deux yeux extra-terrestres vous rivent là au sein de ce luxuriant tableau. Une paire de lasers verts mi félins, mi reptiliens. En regard, l'éclat rond et franc de la pleine lune semble presque pâle.
Y a t'il danger ailleurs que dans nos têtes ? La forêt tropicale primaire est un vaste résonateur comme déjà aux temps de la Préhistoire.
C'est l'heure où tout se fond. Le malaise est fascination, l'effroi est esthétique. Un nuage de notes flûtées virevolte en suspens au-dessus de l'étrange instrumentiste aux yeux plus éclatants que la pleine lune, une femme taillée comme une panthère. Toute la faune, d'habitude si exubérante, s'est tue. D'interminables serpents s'étirent et ondulent continûment. Tout est hypnose.
C'est l'heure initiatique après laquelle rien ne sera plus comme avant. Peut-être eût-il fallu fuir mais ce n'est plus temps. C'est l'heure qui vous captive et vous fait revenir car vous n'aurez jamais fini avec les sensations qui vous sont promises.
Vous pensez à la «Charmeuse de Serpents» du Douanier Rousseau ? Mais, direz-vous, rien à voir avec le « berger qui joue de la flûte, le cul dans l'herbe » selon le bon mot de Debussy. Rien à voir avec Debussy, certes mais avec Stokowski... si ! L'atmosphère d'une tension extrême qu'il a su tisser, ses insondables résonances qu'il traite comme si l'orchestre - celui de Toscanini - était un gigantesque orgue inquiet, ses tempi démesurément étirés pour que ça dure, que ça dure tant c'est beau, que ça finisse le plus tard possible, sur les talons de Parsifal pendant que nous y sommes !
C'est Stokowski, le son inouï de Stokowski, le kolossal spectacle stokowskien : naïf dans sa conception, grandiose et ensorcelant dans sa réalisation.
Ce n'est pas du tout cela mais sans cela, le monde eût été bien pauvre.
Onze instruments seulement pour cette frémissante nuit, nuit nouvelle transfigurée.La nuit a joué de ses pouvoirs d'occultation et de métamorphose. La musique est montgolfière qui se libère en douceur de la pesanteur pour se fondre dans un mystérieux clair-obscur. « Couple, adieu, je vais voir l'ombre que tu devins » (Mallarmé). Mais rien d'hédoniste. C'est une invitation au retour dans la nuit des temps. La flûte de Pierre-Yves Artaud n'a pas le velouté de bien d'autres. D'elle s'exhale un léger parfum minéral qui nous emporte vers un monde archaïque et champêtre. Le hautbois nasillard est foncièrement méditerranéen et si les harpes nous manquent, les cymbales antiques éveillent les plus anciennes réminiscences. Les cordes épaulées par celles du piano ont la saveur finement acidulée d'une tisane de citronnelle.
Cette version a la valeur d'une tulipe noire ou d'une rose bleue.
Version de haut standing, élitiste à écouter très tard, en état de veille, lascivement étendu sur un ample canapé de cuir noir pure aniline, au toucher d'une folle sensualité et au design d'aujourd'hui.
C'est Karajan bien sûr ! Karajan en grand seigneur qui dirige souverainement avec son legato si caractéristique cette onctueuse et délicieuse berceuse.
C'est le regard connoisseur et gourmet d'un homme de culture humaniste, un aristocrate germanique francophile, qui vient chez nous emprunter ce qui, à ses sens, est le plus raffiné pour le transposer sur un mode plus nordique dans lequel la plus douce des douceurs le dispute au romantisme le plus échevelé, dans lequel encore les voix chorales graves et austères n'excluent pas la plus ardente chaleur.
Etrange sentiment de bien-être de la musique elle-même qui nous pénètre de sa propre félicité et nous révèle à nous-mêmes. Tout se mêle. De vastes bouffées romantiques nous submergent comme des rouleaux sur la plage. Crème de la crème, l'écume des nuits.
Le charme élégiaque de l'orchestre fait place à un sentiment diffus d'inquiétude. Nuit noire et pesants nuages. D'où vient cette musique intensément nocturne ? De nulle part semble-t'il. Suspense...
Un moment, le temps s'est interrompu. Pourtant, il est quelque part la trace d'un souffle, la présence d'un esprit qui va animer cette eau-forte. Furtif battement d'ailes de papillon ou d'oiseau de nuit. Qui sait ?
Du premier piano s'envole le thème vers un halo lunaire qui révèle de nuit ce qui de jour était invisible. Des aplats monochromes gomment les aspérités du grain ainsi que les détails secondaires pour souligner et mettre en relief les lignes de force qui structurent la partition. Se réfléchissent et ondulent dans l'ombre les formes mouillées d'une cathédrale sonore. L'eau est un miroir profond qui renvoie les songes et les fantasmes du Faune.
La musique a perdu sa mystérieuse poésie hellénique et antique. Elle s'est faite barcarolle lunaire et aquatique.
Allons au clair de lune pour un dernier verre !
Bruissement de batterie comme un galop au lointain ; le Faune en chasse qui folâtre dans les bosquets ? Un piano flegmatique nous emmène à la dérive pour cette dernière ballade nocturne.
Ni Chopin, ni les impalpables harmonies de la Vocalise pour l'Ange qui annonce la fin du temps [NB : Deuxième partie du Quatuor pour la fin du temps de Messiaen]. C'est plutôt clopin-clopant que le Faune, sans être parvenu à ses fins, opère sa piteuse retraite, comme indifférent à ce monde ingrat. Pour peu, je le coifferais d'un walkman !
Ivresse ouatée à la luisance des reflets du soleil. Bière, fumée. Les yeux mi-clos embués, l'esprit embrumé, loin, loin de Debussy, écoutons sourdement la cantilène anecdotique du piano et de la contrebasse dont le perpétuel mouvement nous enferme dans une heure.
5h : Les temps du jour et de la nuit glissent en tuilage et s'enroulent. Bientôt la nuit va se rompre. En un vaste camaïeux, une aube nouvelle naîtra.
Je regarde, interroge et écoute de toute mon attention ce totem cylindrique en bois de tamanu sculpté par Gauguin au moment où Debussy composait son oeuvre. Etonnante sculpture dans le style maori que Gauguin baptisa «L'Après-midi d'un Faune» et offrit au poète. Prodigieux haut-relief sauvage d'une intemporelle modernité. « La barbarie est pour moi un moyen de rajeunissement » disait le même Gauguin en forme de boutade. Il ne tarda pas à découvrir et montrer qu'au lieu de barbarie, l'Océanie abritait des cultures d'un raffinement artistique inconnu jusqu'alors.
Paul Gaugin, Prélude à l'après-midi
d'un Faune, vers 1893.
Ce langage premier nous conte la lutte de l'homme contre lui-même, ses instincts faunesques, agressifs, destructeurs, égoïstes, qui entravent son autre élan spontané vers des comportements d'amour et de convivialité. Il raconte aussi la victoire de l'homme sur lui-même.
Voici plus d'un siècle que le Prélude à l'Après-midi d'un Faune apporta une fraîcheur insoupçonnée à la musique. A l'aube de temps nouveaux ponctués par le chaos de septembre, le moment n'est-il pas venu pour un autre Prélude ?
Debussy a écrit une oeuvre où vent et eau, esprit et vie fusionnent. Foncièrement novateur, il était aussi en totale symbiose avec l'art nouveau de son temps. Il me semble qu'aujourd'hui, à l'heure où le design contemporain de notre pays a retrouvé les lettres de noblesse et le prestige mondial d'il y a cent ans, les compositeurs de France peuvent avancer leurs pièces d'une case de plus sur le grand échiquier musical.
Les ondoiements aquatiques et les arabesques éthérées de Debussy me rappellent que l'écoulement sinueux d'un fleuve naturel est animé par tout un jeu de courants très subtils propres à exciter l'imagination musicale. Ceux-ci engendrent à leur tour une multiplicité de mouvements internes étroitement liés à la vie et au rythme du cours d'eau. L'eau tourne en même temps autour de l'axe du cours. Et ces boucles sans cesse aussi se déplacent dans le temps.
Si nous pensons à la mer, le mouvement rythmé des vagues crée une série de courants dont le sens alterne constamment. Un courant peut aussi se former sur le dos d'une vague. Au-dessus, l'eau se meut plus vite que la vague et produit une déferlante, des enroulements qui renferment des poches d'air. L'eau et l'air se mêlent. D'eux naît l'écume. L'eau de l'écume vaporisée est projetée dans l'atmosphère en voiles diaphanes et évanescents : les embruns.
Voyez encore ces hautes vagues se hâtant vers la plage. Freinées par le bas dans leur course, elles libèrent la partie supérieure qui fuse et retombe en panache. Et ces formes se maintiennent bien qu'elles soient traversées par de continuels échanges de matière.
Ces images simples - mais d'autres modèles plus complexes et sûrement plus enthousiasmants encore peuvent se trouver - pour éclairer une possible voie d'exploration pour nos compositeurs. Une exploration du chaos mais un «chaos sensible» selon l'expression de Théodore Schwenk, ni cérébral, ni abscons, en accord avec les phénomènes du cosmos (lieu de toutes les mythologies d'hier à maintenant).
De même que la vie est marquée dans la courbure des pierres des voûtes romanes, elle doit l'être dans le prochain Prélude. J'ai envie d'une oeuvre salivante, croquante, qui nourrit tous nos sens, donne envie de faire l'amour, traverse le temps, émeut la terre entière par sa profonde humanité ; une oeuvre qui miroite différemment selon les heures du jour et de la nuit mais toujours nous enchante.
Voici ce que j'ai entendu du totem de Gauguin.
Merci à Cathy Starck pour son aide.
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